Discours du Chancelier de la République fédérale d’Allemagne
Olaf Scholz à l’occasion de la réunion d’ouverture du Sommet du Conseil de l’Europe Mardi 16 mai 2023, 18 h 22, Reykjavík

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French translation  Discours du Chancelier de la République fédérale d’Allemagne
Olaf Scholz à l’occasion de la réunion d’ouverture du Sommet du Conseil de l’Europe Mardi 16 mai 2023, 18 h 22, Reykjavík

Tuesday, 16 May 2023

Chers et chères collègues,
Mesdames et Messieurs,

Lorsque le premier ministre français de l’époque, Édouard Herriot, ouvrit l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe en août 1949, les plaies ouvertes par la Seconde Guerre mondiale étaient encore bien fraîches. Il évoqua alors le « droit du poing » et le « culte de la force » émanant d’Allemagne qui avaient réduit notre continent en cendres. Il apparut donc d’autant plus distinctement à M. Herriot comme aux autres pères et mères du Conseil de l’Europe ce qu’ils souhaitaient opposer à l’avenir à cette « injustice du poing » : la force du droit, au-delà des frontières politiques et culturelles, la conviction selon laquelle la force doit être associée à des règles et à des lois ainsi que la promesse selon laquelle tous les citoyens et citoyennes sont égaux en droits et en devoirs.

M. Herriot et sa génération en avaient eux-mêmes fait l’expérience : l’état de droit, la démocratie et la défense des droits humains au plan national ainsi que la coexistence pacifique au plan international sont indissociables. Ce n’est que parce que les nazis avaient pu éradiquer la démocratie, la séparation des pouvoirs et les droits humains en Allemagne que la guerre dans laquelle elle plongea l’Europe et le monde fut rendue possible.

Quiconque a découvert cette corrélation comprend alors que le Conseil de l’Europe est aujourd’hui certainement plus important que jamais auparavant.

La Russie a attaqué l’Ukraine le 24 février de l’année dernière afin de conquérir des territoires et de redessiner les frontières par la violence. C’est pourquoi il était juste, et même absolument indispensable, d’exclure la Russie du Conseil de l’Europe.

Nous avons également suspendu à juste titre la collaboration du Conseil de l’Europe avec le Bélarus en raison du soutien apporté par le régime bélarussien à la guerre d’agression de la Russie.

Et soyons clairs aussi sur ce point : le fait que des courants antidémocratiques et autoritaires aient pu s’imposer en Russie ne constitue pas un argument contre le Conseil de l’Europe, mais cela doit nous inciter à prendre à l’avenir nos règles communes encore plus au sérieux et à les considérer comme un système d’alerte précoce pour le maintien de la paix en Europe.

Deux conclusions en découlent concrètement :

Premièrement, chacun d’entre nous doit satisfaire à ses obligations en tant que membre du Conseil de l’Europe, sans exception. Cela implique notamment de mettre systématiquement en œuvre tous les arrêts rendus par la Cour européenne des droits de l’homme. En réalité, nous devons considérer une présumée défaite devant la Cour de Strasbourg comme une victoire pour les droits humains et les libertés civiles, et ce dans toute l’Europe, voire, à travers le monde où la Cour sert d’exemple.

Le Conseil de l’Europe a souvent été un pionnier mondial en ce qui concerne la préparation de nos démocraties et de nos États de droit aux futurs enjeux. Il devrait le rester, notamment pour protéger les droits humains à l’ère numérique ou encore pour imposer le droit à un environnement sain.

Deuxièmement, j’aimerais aborder la question des leçons que nous tirons, en tant que Conseil de l’Europe, de l’agression de la Russie contre l’ordre de paix européen. Au cœur de cet aspect figure le plein soutien que nous accordons à l’Ukraine sur la voie de la démocratie et de l’Europe : que ce soit à travers ses capacités de défense vis-à-vis de l’agression de la Russie, la préservation des institutions de l’état de droit, la reconstruction, notamment grâce à la Banque de Développement du Conseil de l’Europe, et le renforcement des capacités du domaine judiciaire.

Le Conseil de l’Europe joue également un rôle important pour sanctionner les crimes de guerre des occupants russes ainsi que pour demander des comptes au sujet des dommages considérables causés jour après jour par la Russie en Ukraine. Le Registre des dommages que nous souhaitons établir ensemble, ici à Reykjavík, occupe une place prépondérante dans ce contexte.

Suite aux leçons tirées du tournant historique, nous souhaitons en outre faire avancer l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, mais également bien entendu des États des Balkans occidentaux, la République de Moldova et, à terme, de la Géorgie. Là aussi, le Conseil de l’Europe joue un rôle essentiel, en particulier grâce à la profonde expertise de la Commission de Venise.

Et, pour finir, le Conseil de l’Europe ne doit s’épargner aucun effort pour que la démocratie, les droits humains et l’état de droit s’imposent un jour véritablement partout en Europe. Cela peut sembler presque inimaginable aujourd’hui en ce qui concerne la Russie et le Bélarus. Mais, un jour, la guerre de la Russie contre l’Ukraine prendra fin. Et une chose est certaine : ce n’est pas une victoire de l’impérialisme de Vladimir Poutine qui y mettra fin. Nous soutiendrons en effet l’Ukraine jusqu’à l’établissement d’une paix juste.

En attendant, nous devrions, nous le Conseil de l’Europe, maintenir des passerelles avec des représentantes et représentants d’une autre Russie, d’un autre Bélarus, afin de ne pas fermer la porte à un potentiel avenir démocratique et pacifique de ces deux pays, aussi improbable que cela puisse aujourd’hui nous paraître.

Cela correspond à l’idée d’origine du Conseil de l’Europe selon laquelle la liberté, la démocratie et l’état de droit intérieurs sont corrélés à la paix extérieure. Cela correspond à notre ambition consistant à garantir la paix et la liberté en tout point de notre continent ainsi que pour chaque citoyen et citoyenne.

Merci beaucoup !

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