Déclaration gouvernementale de la chancelière fédérale Angela Merkel au sujet du sommet du Partenariat oriental à Vilnius les 28 et 29 novembre 2013

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Monsieur le Président, Chers collègues, Madame l’Ambassadeur,

Alors que nous sommes aujourd’hui réunis dans cette enceinte, je tiens à adresser encore une fois, également au nom du gouvernement fédéral, nos meilleurs vœux au peuple philippin. Le ministre fédéral des Affaires étrangères est en contact en permanence. J’ai moi-même eu un entretien téléphonique avec le président Aquino. Soyez assurés que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour manifester notre solidarité avec le peuple philippin dans ces circonstances douloureuses.

Mesdames, Messieurs,

Dans dix jours se tiendra à Vilnius le troisième sommet du Partenariat oriental. À l’invitation de la présidence lituanienne du Conseil de l’Union européenne, de la présidente Mme Grybauskaité, tous les États membres de l’Union européenne y ont rendez-vous avec les représentants des six pays partenaires de l’Europe orientale que sont le Moldova, la Géorgie, l’Arménie, l’Ukraine, le Bélarus et l’Azerbaïdjan. Je participerai à ce sommet de Vilnius, tout comme j’ai participé aux deux sommets qui se sont tenus antérieurement à Prague et à Varsovie. Ma présence me permettra de souligner la solidarité qui unit l’Allemagne et l’ensemble de l’Union européenne à nos voisins de l’Est. Il est dans notre intérêt stratégique commun de promouvoir le développement de ces pays, de soutenir la transformation dans les domaines de la démocratie, des droits de l’homme et de la bonne gouvernance ainsi que de renforcer leur économie.

Le Partenariat oriental présente à mes yeux un fort potentiel. C’est un instrument autonome de la politique européenne qui assure à nos voisins d’Europe orientale un rapprochement d’une qualité entièrement nouvelle. Il s’ajoute à d’autres partenariats stratégiques importants pour l’Union européenne, comme le partenariat avec la Russie ou les négociations sur l’accord de libre-échange avec les États-Unis d’Amérique, par exemple.

Au vu de la situation actuelle, j’aimerais dire ici quelques phrases concernant les États-Unis. Les discussions que nous avons eues avec Washington montrent que de telles négociations, par exemple sur l’accord de libre-échange, ne portent jamais uniquement sur l’économie et le libre-échange. La confiance y joue toujours un grand rôle. L’Allemagne et les États-Unis ont en commun des expériences, des valeurs et des intérêts. Ensemble, nous défendons des sociétés libérales, ouvertes et démocratiques. La relation transatlantique et, par conséquent, les négociations sur un accord de libre-échange transatlantique sont actuellement mises à l’épreuve, cela ne fait aucun doute, par les soupçons qui planent contre les États-Unis accusés d’avoir intercepté des millions de données. Ces accusations sont graves et elles doivent être tirées au clair. Et ce qui importera encore plus pour l’avenir sera de reconstruire la confiance.

Or cela ne peut se faire que par la transparence, d’une part, et d’autre part, par la prise de conscience que la relation transatlantique est pour les deux partenaires – je dis bien les deux partenaires -, et pour l’Allemagne tout particulièrement, le garant essentiel de notre liberté et de notre sécurité. C’est pourquoi je le dis explicitement : malgré tout, le lien qui existe entre l’Allemagne et les États-Unis de même que la relation transatlantique demeurent d’une importance cruciale pour l’Allemagne, comme pour l’Europe.

Mesdames, Messieurs,

Que l’Allemagne et l’Europe manifestent un très grand intérêt pour d’autres instruments de la politique européenne n’est d’ailleurs nullement en contradiction avec ce que je viens de dire. Le Partenariat oriental fait partie de ces instruments. Afin d’éviter tout malentendu, je précise que le Partenariat oriental n’est pas un instrument de la politique d’élargissement de l’Union. Les perspectives d’adhésion à l’Union européenne n’en constituent pas l’enjeu. Son objectif est plutôt d’aider nos partenaires sur la voie de la démocratisation et de la modernisation en leur offrant un rapprochement politique et l’intégration économique.

Ce faisant, nous nous appuyons sur les principes de la conditionnalité et de la différenciation. En d’autres termes, les pays qui avancent plus ou moins vers la démocratie et l’État de droit sont traités différemment et peuvent donc profiter différemment du soutien et de la coopération de l’UE. À cet égard, trois points sont essentiels : premièrement, une transition réussie de nos pays partenaires ; deuxièmement, leur décision souveraine concernant leur orientation politique ; et troisièmement, les contacts entre les personnes.

Nos voisins orientaux doivent connaître un bon développement économique et politique ; c’est important non seulement pour eux mais aussi pour la force et la prospérité de l’Union européenne. C’est également la raison pour laquelle nous devons poursuivre avec détermination notre engagement en faveur de nos voisins. Notre partenariat engage en effet les deux côtés : nous voulons des échanges économiques et des contacts entre nos sociétés, tant entre l’UE et ses partenaires qu’entre les différents partenaires.

À cet égard, les sociétés civiles des pays membres du Partenariat oriental jouent un rôle décisif. Elles doivent porter, exiger et stimuler la transition. De même, elles doivent pouvoir expérimenter et organiser le rapprochement politique de leurs pays avec l’Union européenne et les possibilités d’intégration économique. Cette orientation donnée non seulement dans les activités gouvernementales mais aussi au niveau de la population se traduit également par le fait que la coopération économique et la participation des sociétés civiles sont deux volets fondamentaux du Partenariat oriental.

Nous disposons de certains instruments pour agir en ce sens. S’ils peuvent souvent paraître très techniques, ils représentent néanmoins dans chacun des cas des améliorations concrètes de la vie commune. Parmi ces instruments figurent les accords d’association et de libre-échange ainsi que les facilités en matière de visas. Une chose est essentielle pour la compréhension mutuelle, c’est la participation des jeunes originaires des pays membres du Partenariat oriental aux programmes de l’UE, notamment ERASMUS. Tous ces éléments contribuent à une orientation croissante de nos partenaires orientaux en fonction de nos valeurs et de nos normes.

Lors du sommet de Vilnius, nous voulons parapher des accords d’association et de libre-échange complet avec le Moldova et la Géorgie. Ces dernières années, ces deux pays ont connu un développement positif dans l’ensemble. En Géorgie, des élections démocratiques ont permis un changement de gouvernement pacifique et un plus grand consensus au sein de la société quant à l’orientation du pays.

Malgré certaines turbulences sur la scène politique nationale, la République de Moldova est peut-être celui des partenaires orientaux qui s’est montré le plus déterminé à adopter des réformes et à les appliquer. Pour que les accords d’association et de libre-échange qui seront paraphés à Vilnius puissent prendre effet rapidement, nous nous sommes engagés lors du dernier Conseil européen à Bruxelles à créer dans les plus brefs délais le cadre nécessaire en vue de leur signature.

Nos relations avec le Moldova et la Géorgie deviennent ainsi plus étroites que jamais. Les traités négociés permettent à ces pays de parvenir à un rapprochement avec l’UE plus approfondi et plus complet que jamais. Ils fournissent des possibilités de développement économique, de modernisation des sociétés et des systèmes politiques, et de soutien à la mise en place d’un État de droit moderne. En contrepartie, l’État de droit peut renforcer un cadre juridique favorable aux investissements, au commerce, mais aussi à la lutte contre la corruption. Voilà les opportunités que la conclusion d’un accord d’association et de libre-échange avec l’Union européenne peut apporter à un pays du Partenariat oriental.

Un rapprochement aussi étroit avec l’UE s’accompagne néanmoins de certaines obligations. La toute première consiste à mettre en place ce qui est prévu. L’accord de libre-échange contraint nos partenaires par exemple à adopter les normes européennes. C’est parfois pour les économies des pays concernés un défi de taille qu’ils mettront des années à gérer. Sur ce point, il n’y a pas à s’y méprendre. Les questions économiques sont uniquement un chapitre important des accords d’association. Le fait que les signataires de ces accords s’engagent à respecter l’état de droit, la démocratie et les droits de l’homme est tout aussi important.

Cela nous amène bien entendu à nos négociations avec l’Ukraine. Sa seule taille confère à ce pays un poids particulier au sein du Partenariat oriental. C’est avec l’Ukraine que l’Union européenne a le plus avancé dans l’organisation des nouvelles relations conventionnelles. Par le passé, nous avons toujours bien fait comprendre à l’Ukraine que la qualité nouvelle de la coopération établie par les accords, que l’engagement commun en faveur des valeurs européennes telles que la démocratie, l’état de droit et les libertés civiles devaient être plus que des paroles en l’air.

Les ministres européens des Affaires étrangères réunis en Conseil des affaires étrangères au mois de décembre 2012 avaient mentionné en particulier trois domaines dans lesquels des progrès devaient être accomplis concernant, premièrement, la réforme des élections législatives, deuxièmement, les mesures prises pour remédier à l’application « sélective » de la justice – que symbolise le cas de Ioulia Timochenko – et troisièmement, la mise en œuvre du programme d’association. À ce propos, je tiens encore une fois à souligner que nous attendons de l’Ukraine des avancées crédibles pour remplir les conditions préalables à la signature d’un accord d’association. Et nous attendons d’elle que ce processus soit durable et irréversible.

Il ne fait aucun doute que l’Ukraine va encore devoir procéder à de grandes réformes internes. La consolidation budgétaire est un défi supplémentaire énorme pour ce pays. Sans finances solides, il ne pourra pas y avoir d’accord d’assistance avec le FMI. Or, il serait urgent qu’un tel accord d’assistance soit signé avec l’Ukraine. Les prêts bilatéraux substantiels de l’UE fournis au titre de l’assistance macrofinancière en dépendent eux aussi. Ils représentent une enveloppe de plus d’un demi-milliard d’euros. Nous recommandons donc en permanence à l’Ukraine de procéder aux réformes nécessaires. Nous ne pouvons pas prendre ces mesures à la place de Kiev. Elles doivent être prises de toute façon, indépendamment de la signature de l’accord d’association et de libre-échange. Appliquer des réformes, cela ne peut pas se faire entièrement du jour au lendemain, nous le savons. Nous souhaiterions également soutenir l’Ukraine sur la voie de ses réformes en lui proposant des coopérations et en lui octroyant des fonds au titre de la Politique européenne de voisinage, mais l’Ukraine doit tout d’abord créer elle-même le cadre nécessaire, et ce, pas n’importe quand, mais maintenant.

Ces jours-ci – comme je l’ai dit, il reste encore une dizaine de jours jusqu’au sommet de Vilnius – ont lieu divers entretiens, ainsi que des consultations au parlement ukrainien. Et il me faut vous dire ceci aujourd’hui : il n’est pas possible pour l’instant de savoir si l’Ukraine veut créer les conditions nécessaires à une signature éventuelle. Aujourd’hui et demain, les ministres européens des Affaires étrangères discutent justement de ce sujet à Bruxelles. Si l’Ukraine remplit nos attentes, et nous permet ainsi de signer cet accord, nous pourrions la soutenir en particulier en l’appliquant largement à titre provisoire au cas où elle devrait faire face à des pressions russes.

Nous savons que la décision de se rapprocher de l’Union européenne n’est pas facile non seulement pour l’Ukraine, mais de manière générale pour tous nos partenaires. Au cours des derniers mois, certains d’entre eux ont subi des pressions parfois énormes. C’est pourquoi je m’engage à plaider à Vilnius pour que l’Union européenne oppose à ces pressions des chances concrètes et une solidarité véritable, que ce soit en offrant davantage de débouchés pour les produits de nos partenaires qui, par exemple, ne pourraient plus être exportés en Russie, ou en aidant à mettre en place leur approvisionnement énergétique à plus grande échelle.

Disons-le clairement : les pays décident seuls de leur future orientation. Il ne peut y avoir de droit de veto d’un tiers. C’est ainsi que nous concevons le plein respect de la liberté de choix de chacun tel qu’il est énoncé dans la Charte de l’OSCE. J’ai abordé maintes fois ce sujet lors de mes entretiens avec le président Poutine. J’ai précisé à maintes reprises que ni le Partenariat oriental ni les relations bilatérales que l’Union européenne veut établir en concluant des accords avec ses partenaires ne sont dirigés contre la Russie. Au contraire, notre intention est que Moscou profite aussi du renforcement et de la modernisation de l’économie de nos partenaires d’Europe orientale. L’Union européenne a régulièrement fait des propositions de dialogue à la Russie afin de définir les avantages d’une coopération pour les deux côtés. Nous devons, et telle est ma conviction profonde, continuer à œuvrer pour qu’un rapprochement des pays membres du Partenariat oriental avec l’Union européenne et les efforts déployés par la Russie pour renforcer le partenariat avec ces pays ne soient pas incompatibles. L’Union européenne a fait des propositions à la Russie dans ce sens et nous devons nous en entretenir le plus rapidement possible.

Dans ce contexte, l’Arménie a opté pour l’adhésion à l’union douanière regroupant la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan, et donc décidé de ne pas parapher l’accord d’association et de libre-échange négocié avec l’UE. Nous acceptons bien évidemment cette décision. En même temps, nous trouverons les moyens d’une future coopération avec l’Arménie. Cette coopération n’aura pas la qualité particulière de la coopération avec la Géorgie ou le Moldova, mais l’Arménie reste néanmoins un partenaire oriental important.

Permettez-moi de dire encore un mot à propos du Bélarus, le chapitre qui était et reste le plus difficile dans le cadre du Partenariat oriental. Depuis les nouvelles répressions qui ont suivi l’élection présidentielle en décembre 2010, des prisonniers politiques restent en détention. Des citoyens qui s’engagent en faveur du pluralisme au sein de cette société ont été emprisonnés. Je pense notamment à Ales Bialiatski, lauréat du prix des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Nous nous mobilisons tous pour que ces personnes puissent à nouveau parler, agir et se mouvoir librement.

Dans ce pays également, nous voulons de nouveau approfondir la coopération, mais cela ne pourra se faire que si les prisonniers politiques sont libérés et réhabilités. Il serait très important que le sommet de Vilnius envoie un signe d’espoir à cet égard.

Mesdames, Messieurs,

Le sommet de Vilnius confirme bien notre offre d’association politique et d’intégration économique à nos partenaires orientaux. Mais il est au moins aussi important que nous usions ensuite ensemble du potentiel que nous offre ce partenariat. Nous avons exclu de nombreux champs de coopération mais nous devons continuer de réaliser des progrès durables. Il ne suffit pas de signer ou de parapher un accord d’association et de libre-échange ; il faut aussi que cet accord soit mis en œuvre systématiquement. Les plans d’action sur la libéralisation du régime des visas montrent ce qu’il est nécessaire de faire pour atteindre à long terme l’objectif de l’exemption de visa. La coopération régionale offre de nombreuses possibilités d’apprendre les uns des autres.

Ce sommet marquera une étape importante sur le chemin de la transformation de nos partenaires de l’Est. Il désignera une trajectoire future tout en montrant clairement combien de travail il nous reste à accomplir. Les ombres de la guerre froide persistent et c’est notre devoir, particulièrement celui de l’Allemagne, de faire en sorte que la guerre froide soit terminée pour tout le monde, y compris pour nos voisins de l’Est. Mesdames, Messieurs, je vous remercie.