Acceptation de l’héritage légué par Cornelius Gurlitt

  • Page d'accueil
  • Le gouvernement fédéral

  • Actualités

  • Service

  • Médiathèque

Acceptation de l’héritage légué par Cornelius Gurlitt

Berne accepte l’héritage – Berlin, Munich et Berne signent un accord sur la gestion de la succession de Cornelius Gurlitt / « Nous assumons une responsabilité partagée », déclarent de concert la Déléguée du gouvernement fédéral allemand à la Culture et aux Médias Monika Grütters, le ministre bavarois de la Justice Winfried Bausback et le président du conseil de la Fondation du Musée Christoph Schäublin.

  • Communiqué de presse 420-fr

La Fondation de droit privé du Musée des Beaux-Arts de Berne annonce ce jour qu’il a pris la décision d’accepter l’héritage de Cornelius Gurlitt. Cette décision s’accompagne de la signature à Berlin d’un accord sur la gestion de la succession de Cornelius Gurlitt par la ministre du gouvernement fédéral déléguée à la Culture et aux Médias Prof. Monika Grütters, le ministre de la Justice de l’Etat de Bavière Prof. Dr. Winfried Bausback et le président du conseil de la Fondation du Musée des Beaux-Arts de Berne Prof. Dr. Christoph Schäublin (consultable sur www.kulturstaatsministerin.de et sur www.justiz.bayern.de ).

Monika Grütters, Winfried Bausback et Christoph Schäublin font aujourd’hui à Berlin la déclaration suivante : « Avec cet accord, l’Etat fédéral et le Land de Bavière assument leur responsabilité historique particulière – vis-à-vis du traitement des injustices perpétrées par le régime national-socialiste et vis-à-vis des véritables propriétaires des œuvres d’art de la succession Gurlitt qui leur ont éventuellement été volées par les nazis. Le Musée des Beaux-Arts de Berne assume lui aussi la responsabilité qui lui échoie en acceptant l’héritage de Cornelius Gurlitt ».

Le directeur de l’Instruction publique et donc de la Culture du canton de Berne Bernhard Pulver loue « la pondération » et le courage du Musée des Beaux-Arts de Berne ».

Le président du Conseil de la Fondation du Musée des Beaux-Arts de Berne Christoph Schäublin précise que le musée ne s’attendait pas du tout à être désigné légataire de cet héritage et que prendre la décision de l’accepter n’a pas été pour lui chose facile : « Nous n’en avons conçu aucun sentiment de triomphalisme. En tout état de cause, un tel sentiment eût été totalement déplacé au regard de l’histoire qui pèse sur la collection. Il ne s’est agi en dernier ressort que de savoir si le Musée des Beaux-Arts de Berne était en mesure de faire face, et si oui, comment, à la responsabilité qui lui incomberait s’il acceptait le legs – une responsabilité d’une complexité exceptionnelle : vis-à-vis de ceux dont la collection perpétue l’impensable souffrance à travers une partie de ses œuvres ; vis-à-vis de ceux qui font légitimement valoir leur droit plusieurs décennies après les faits ; vis-à-vis des personnes qui s’intéressent à la collection et plus généralement de la communauté publique qui a le droit de savoir dans quelles conditions la collection a été constituée ; vis-à-vis de la collection elle-même, qui renferme un patrimoine artistique de grande valeur, raison pour laquelle elle devrait autant que possible être préservée et rendue accessible au public ; mais aussi, enfin, vis-à-vis du musée lui-même, dont cette décision ne devait compromettre ni la réputation ni l’équilibre financier. » Les fondements de l'accord avec la République fédérale d’Allemagne et le Land de Bavière revêtent une importance capitale pour le Musée des Beaux-Arts de Berne : « Les œuvres d’art volées et celles qui sont suspectées de l’avoir été resteront en Allemagne. Berne prendra une part active, en étroite collaboration avec le groupe d’étude, à la recherche sur la provenance des œuvres. L’objectif étant d’identifier l’origine de toutes les œuvres et donc de pouvoir restituer les œuvres spoliées. » Le conseil de la Fondation se dit convaincu que sa coopération avec Berlin et Munich, et le climat de confiance dont elle a bénéficié, ont produit le meilleur résultat auquel il était possible de parvenir dans l’intérêt de toutes les parties et personnes concernées. Naturellement, il reste encore beaucoup à accomplir et ceci n’est que le début d’un long chemin à parcourir ensemble.

La Déléguée du gouvernement fédéral à la Culture et aux Médias Monika Grütters souligne que le rôle joué par les investigations systématiques sur les vols d’œuvres des nazis dépasse largement la stricte dimension juridique : « Derrière toute œuvre d’art volée, c’est-à-dire spoliée, un destin individuel se profile. A travers la mise en œuvre de cet accord, nous voulons assumer la responsabilité particulière qui est la nôtre en tant qu’Allemands vis-à-vis des victimes de la dictature nazie, non seulement d’un point de vue juridique mais aussi d’un point de vue moral. C’est pourquoi nous restituerons aux ayants-droit, sans condition ni restriction, toutes les œuvres de la succession qui s’avèreront avoir fait l’objet d’une spoliation par le régime nazi. L’Etat fédéral se chargera des restitutions et en assumera bien évidemment les coûts. L'accord est aussi pour nous un moyen d’assumer notre responsabilité historique en donnant la plus grande transparence à la recherche sur la provenance des œuvres. » Ce qui se traduira notamment par la mise en ligne, dans le respect des droits des tiers, des livres de comptes de Cornelius Gurlitt qui seront dès aujourd’hui accessibles publiquement sur le site www.lostart.de . « Je souhaitais également, poursuit Monika Grütters, concernant les œuvres discréditées par les nazis sous l’appellation d’« art dégénéré », et retirées des collections et des musées publics, que nous parvenions à une solution qui concilie les intérêts de toutes les parties – en particulier ceux des musées qui se virent autrefois extorquer ces œuvres. C’est pourquoi je me félicite vivement que le Musée des Beaux-Arts de Berne ait accepté d’accorder un traitement préférentiel aux demandes de prêt venues de musées qui furent, jusqu’à l’opération nazie « art dégénéré », propriétaires des œuvres qu’ils sollicitent, et de les satisfaire dans la mesure du possible. »

Le ministre de la Justice de Bavière Winfried Bausback voit dans cet accord une étape décisive dans le processus de restitution des œuvres spoliées aux victimes de la terreur nazie et à leurs héritiers : « Ce que l’on a appelé le “trésor artistique de Schwabing” nous a confrontés d’emblée à la question de notre responsabilité historique particulière – responsabilité vis-à-vis des victimes de la terreur national-socialiste et vis-à-vis de notre histoire ! C’est pourquoi, dès que j’ai été informé de cette découverte, je me suis associé au gouvernement fédéral pour que des recherches soient entreprises sur l’origine des œuvres par un groupe d'étude largement ouvert mandaté par l’Etat fédéral et l’Etat libre de Bavière. Et pour que des pourparlers soient engagés avec Cornelius Gurlitt et qu’un accord soit conclu qui garantisse que la recherche sur la provenance des œuvres pourrait se poursuivre quoiqu’il arrive ! Et je me suis engagé – et continue de le faire – à ce que l’on en tire les conclusions politico-juridiques qui s’imposent », termine Winfried Bausback, faisant ici référence à sa proposition de loi destinée à favoriser les demandes de restitution de biens artistiques. Elle devrait permettre que les propriétaires de mauvaise foi ne puissent plus se prévaloir de la prescription face aux demandes légitimes de restitution des vrais propriétaires des œuvres. « Je me réjouis, poursuit Winfried Bausback, que cette longue période de négociations nous ait permis de prolonger les termes de l’accord conclu avec Cornelius Gurlitt et donc d’entrer sans délai dans un processus opérationnel : à savoir que la recherche sur la provenance des œuvres puisse se poursuivre, que les œuvres suspectées d’être issues de spoliations puissent être mises en ligne au fur et à mesure dans la banque de données Lost Art et que les restitutions puissent avoir lieu selon les accords de Washington et que Berne en ait accepté le principe. En ayant inscrit au contrat que nous continuerions également à participer au financement du groupe d'étude sur la provenance des œuvres et que nous conserverions les œuvres en sureté en Bavière, nous continuerons à assumer la responsabilité à laquelle le trésor artistique de Schwabing nous a engagés. »

Sur la signature de l'accord, le ministre des Sciences de Bavière Ludwig Spaenle souligne : « Je me félicite de ce que le Musée des Beaux-Arts de Berne ait estimé qu’il se devait, en tant qu’héritier des œuvres d’art de Cornelius Gurlitt, de respecter les accords de Washington. La Bavière continuera à apporter son soutien à la recherche sur la provenance des œuvres au sein de la succession Gurlitt ».

Le directeur de l’Instruction publique et de la Culture du canton de Berne Bernhard Pulver soutient sans réserve la décision du conseil de la Fondation du Musée des Beaux-Arts de Berne : « Elle est juste du point de vue politico-culturel et elle est fondée sur un fort sentiment de responsabilité. » Même si les œuvres historiquement chargées restent en Allemagne et ne viennent pas à Berne, le Musée des Beaux-Arts se donne pour mission de soutenir activement la recherche sur l’origine des œuvres et d’approfondir la connaissance sur les spoliations d’œuvres d’art et leur gestion, et donc plus largement de promouvoir une sensibilisation aux questions touchant à la politique artistique telle qu’elle peut être menée dans une dictature. « Pour moi, la décision du conseil de la Fondation de mettre en place un organe de recherche est tout à fait essentielle. La décision d’accepter l’héritage est aussi – j’en suis convaincu – dans l’intérêt des victimes ». La gestion exemplaire de l’héritage Gurlitt représente désormais pour le Musée des Beaux-Arts de Berne une mission de longue haleine. « Le Musée fait preuve de courage en se lançant ce défi, sur le plan artistique et historique mais aussi sur le plan financier. Il reste encore à examiner la forme que pourra prendre le soutien du canton. J’ose en tout cas espérer que toutes les institutions potentiellement concernées sauront honorer le courage du Musée des Beaux-Arts en lui assurant leur coopération et leur soutien. Dans le but partagé de répondre aussi rapidement que possible aux questions restées en suspens. »

Les grands principes de l'accord : L'accord prend le relais de l'accord dite de procédure conclue le 3 avril 2014 par la République fédérale d’Allemagne et le Land de Bavière avec Cornelius Gurlitt, accord qui reste contractuelle pour les héritiers de Gurlitt après la mort de ce dernier et donc pour le Musée des Beaux-Arts de Berne. Le présent accord comporte des adaptations nécessitées par la désignation d’un musée comme héritier.

L'accord signée ce jour prévoit que l’examen des œuvres sera poursuivi aux frais de l’Etat fédéral et du Land de Bavière et qu’il sera étendu aux œuvres retrouvées dans la maison de Salzbourg de Monsieur Gurlitt et à toutes celles qui pourraient à l’avenir refaire surface. Dans le courant de l’année 2015, le groupe d’étude mandaté à cet effet, dont le contexte de travail désormais dépourvu d’ambiguïté permettra d’accélérer le rythme de production, présentera un rapport sur chacune des œuvres. A la lumière de ces rapports, les œuvres pourront être traitées comme suit :

Les œuvres acquises par spoliation seront immédiatement restituées par l’Etat fédéral aux ayants-droit dès qu’ils auront pu être identifiés. Les œuvres dont la provenance n’aura pu être établie avec certitude seront publiées sur www.lostart.de dans le but de leur garantir toute la transparence requise si le Musée des Beaux-Arts de Berne décide de ne pas les reprendre. Sinon, elles reviendront, tout comme les œuvres dont les analyses du groupe d’étude auront établi qu’il ne s’agit pas d’œuvres volées, au Musée des Beaux-Arts de Berne qui en assumera dès lors la responsabilité.

Pour les œuvres qui ont été retirées des musées allemands parce que qualifiées d’« art dégénéré » par le régime nazi, la règle est la suivante : si aucun soupçon de vol n’est avéré, ces œuvres rejoindront la Suisse. Le Musée des Beaux-Arts de Berne traitera toutefois de manière préférentielle les demandes de prêt d’œuvres venues de musées qui ont autrefois été victimes de leur spoliation et répondra par principe positivement à leurs demandes.

Un résumé plus précis et plus substantiel de l'accord est joint en annexe à ce communiqué de presse.