La chancelière fédérale rend hommage aux lauréats du concours « Jugend forscht »
Un rendez-vous qu’elle a toujours apprécié : la chancelière fédérale Angela Merkel a rendu hommage aux lauréates et lauréats du concours fédéral « Jugend forscht » (« Jeunesse et Recherche ») 2021. Contrairement aux années passées, leur échange s’est déroulé en visioconférence à cause de la pandémie. Elle a également pu décerner virtuellement son prix spécial pour le projet le plus original.
Temps de lecture: 11 min.
« Je suis sans cesse plus impressionnée par la créativité et l’inventivité que je constate ici », a déclaré la chancelière fédérale Angela Merkel en accueillant lundi les lauréates et lauréats de « Jugend forscht ». Près de 9000 chercheurs en devenir s’étaient inscrits pour participer au concours. Fort heureusement, la pandémie de Covid-19 n’a guère freiné l’envie de se lancer dans la recherche, a constaté Mme Merkel.
Après une annulation de l’événement pour cause de pandémie l’an dernier, la chancelière s’est félicitée que cette rencontre soit possible, au moins virtuellement. En effet « Jugend forscht » est devenu un incontournable de son agenda.
Jusqu’ici, le concours « Jugend forscht » a été organisé 56 fois. Il a été créé en 1965 par Henri Nannen, alors rédacteur en chef de la revue « Stern ». Plus de 280 000 jeunes y ont participé à ce jour. 5000 collaborateurs bénévoles – enseignants et formateurs, professeurs et spécialistes des ressources humaines – soutiennent le concours en tant que superviseurs de projets et organisateurs. Les différents projets sont évalués par quelque 3000 professeurs de sciences ou experts du secteur privé, également à titre bénévole.
Diversité et souci du détail
Les jeunes lauréats, qui représentent la relève de la recherche, invitent la chancelière fédérale à l’optimisme pour l’avenir. Elle a particulièrement remarqué la diversité et le souci du détail qui caractérisent les nombreux projets. Génie médical, intelligence artificielle, technologies de l’environnement ou énergies renouvelables, tous ces domaines recèlent, selon Mme Merkel, de belles perspectives d’avenir, aussi félicite-t-elle chaleureusement tous les lauréats pour leurs excellentes idées.
Pour la chancelière fédérale, il est très important que près de 40 % des jeunes inscrits au concours soient des filles. Certes, celles-ci ne représentent pas encore la moitié des participants mais leur nombre, qui affiche une tendance positive sur le long terme, est porteur d’espoir. « Nous avons besoin de tous les talents de notre pays. Nous avons besoin d’eux pour lutter contre le changement climatique, pour stimuler les transformations technologiques et les révolutions numériques. Et nous avons surtout besoin d’eux pour progresser dans le domaine de la santé », a souligné Mme Merkel.
La science et la recherche sont plus importantes que jamais
La pandémie de Covid-19, en particulier, a mis en évidence l’importance de la science et de la recherche pour nous tous, a fait remarquer la chancelière. Le développement, en un temps relativement court, de vaccins efficaces est une prouesse d’une valeur inestimable.
Par conséquent, y compris en ces temps de pandémie, le gouvernement fédéral maintient l’objectif de consacrer, jusqu’en 2025, 3,5 % du produit intérieur brut (PIB) à la recherche et au développement, un domaine dans lequel, a ajouté la chancelière, on a investi l’an dernier 3,18 % du PIB, soit une enveloppe totale de 110 milliards d’euros. Ce financement permet à l’Allemagne de se classer parmi les pays les plus innovants du monde. Investir dans la recherche et l’innovation, appliquer plus rapidement les résultats de la recherche dans des produits et des services, telle est la clé de la prospérité, d’un développement durable et de la qualité de vie en Allemagne.
Jugend forscht – l’histoire d’une réussite et un anniversaire très spécial
Chaque année, Angela Merkel remet le « Prix spécial de la chancelière pour le projet le plus original ». Cette tradition remonte à 1971, année de la création par Willy Brandt, alors chancelier fédéral, de ce prix spécial qui est, en 2021, décerné pour la 50ème fois. À l’époque, les participants étaient à peine un millier, contre près de 10 000 jeunes qui, désormais s’inscrivent chaque année à ce concours annuel.
Cette année, « Jugend forscht » avait pour mot d’ordre « Lass Zukunft da. » (Laisse une chance à ton avenir). Un peu moins de 9000 jeunes chercheuses et chercheurs se sont inscrits au concours à l’échelle nationale, avec plus de 5100 projets. Le concours « Jugend forscht » encourage l’excellence dans les matières MINT (mathématiques, informatique, sciences naturelles et technologies). L’objectif est de stimuler, y compris à long terme, l’enthousiasme des jeunes pour ces sujets et de les soutenir dans leur orientation professionnelle au-delà de la compétition.
Prix spécial 2021 pour le projet le plus original : « Une disparition dramatique des espèces »
Si l’extinction des insectes a souvent été évoquée, le rapport direct qu’elle entretient avec la disparition des plantes à fleurs l’est moins. Pendant trois étés, Jakob Nolte (21 ans) de Laubach, dans la Hesse, a cartographié la flore des environs de Laubach, puis comparé ses relevés aux indications botaniques contenues dans la littérature.
La zone étudiée étant mentionnée dans plusieurs publications et la plus ancienne remontant à 1887, il lui a été possible d’effectuer des comparaisons sur le long terme. Or, celles-ci révèlent un appauvrissement considérable de la flore. Le nombre de variétés d’orchidées a rapidement diminué, tandis que les chénopodiacées disparaissaient totalement. 80 % des espèces environ sont plus rares, voire ont totalement disparu. Seules quelques-unes ont proliféré, notamment celles qui apprécient les sols riches en azote. Le jeune chercheur appelle donc à moins fertiliser les sols et à mieux protéger la nature – au profit de la biodiversité.
Son projet de recherche a valu à Jakob Nolte de recevoir le « Prix spécial de la chancelière pour le projet le plus original », doté de 3000 euros. Lors de son échange virtuel avec Mme Merkel, il a pu expliquer les travaux ainsi récompensés. Après de nombreux travaux de recherche impliquant ces dernières années des « schémas expérimentaux techniques » et des « casse-tête mathématiques », Mme Merkel a reconnu avoir particulièrement apprécié que le prix spécial récompense un projet portant sur la botanique.
L’Allemagne vit de l’innovation
Anja Karliczek, la ministre fédérale de l’Éducation, a également félicité l’ensemble des lauréates et des lauréats pour leurs travaux. Ces jeunes montrent que « nous pouvons tous gagner ». En définitive, l’Allemagne vit de l’innovation, ainsi que des inventeurs, des esprits créatifs et des penseurs que compte ce pays. Car ceux-ci sont portés par la question suivante : comment embellir et améliorer la vie ?
Selon la ministre fédérale de l’Éducation, les lauréates et les lauréats y contribuent. Car, un pas après l’autre, ils créent pour répondre aux grandes questions de notre époque. « Ils sont la preuve que nous avons de nombreux jeunes formidables et extrêmement brillants, et que la créativité et le dynamisme sont très importants pour notre jeunesse », a déclaré Mme Karliczek.
Questions à la chancelière
Au cours de la visioconférence, les chercheurs récompensés ont eu l’occasion de s’adresser personnellement à la chancelière. Il n’a pas seulement été question d’actualité politique et économique, mais également du parcours d’Angela Merkel.
Aruna Sherma, 2ème prix de physique, était par exemple intéressée par les objectifs qui avaient guidé la future chancelière dans ses études et souhaitait savoir si elle avait lié à ses études de physique la perspective de pouvoir changer le monde.
Angela Merkel a répondu qu’elle avait commencé son cursus avec l’intention de mieux comprendre le monde et avec l’espoir de pouvoir un jour expliquer quelque chose qui serait resté obscur jusque-là. Même si elle n’est pas partie du principe de « faire une découverte révolutionnaire », elle a ultérieurement réussi à « calculer certaines petites choses qui n’avaient pas encore été calculées ». Elle a conseillé à la jeune chercheuse de « ne pas se laisser étourdir par la profusion des choses », mais de se concentrer autant que possible sur une spécialité pour y apporter du nouveau.
Helen Hauck, 2ème prix de chimie, a interrogé la chancelière sur les principales difficultés et défis rencontrés en tant que femme au cours de sa carrière scientifique, puis de femme politique sur la scène mondiale. Elle lui a aussi demandé si elle avait des astuces à transmettre à la jeune génération de femmes scientifiques.
Angela Merkel a déclaré avoir dans l’ensemble abordé ses études différemment de ses condisciples masculins, en réfléchissant abondamment et longuement à la nature des choses. C’est également ainsi qu’elle a par la suite procédé en politique : bien réfléchir, observer, « acquérir de solides connaissances » et seulement ensuite, s’exprimer. Alors, il faut aussi avoir assez confiance en soi pour se faire entendre.
Le lauréat national du prix de la ministre fédérale de la Recherche pour le meilleur travail interdisciplinaire en technologie, Amon Schumann (17 ans), est d’avis que seul un progrès technique massif permettra de contrer l’actuelle crise climatique tout en préservant le niveau de prospérité que nous connaissons. Il a souhaité que la chancelière lui dise comment le monde politique doit agir pour promouvoir le progrès technologique en Allemagne sur le plan politique.
Angela Merkel : La politique ne fait que fixer le cadre, en plus d’investir dans la recherche et le développement. Cela nécessite une base industrielle forte et surtout, la possibilité de prévoir. Dans cette perspective, le gouvernement fédéral a introduit une incitation fiscale à la recherche, afin de créer une impulsion vers la recherche auprès des petites et moyennes entreprises. Les universités et installations de recherche non universitaires sont elles aussi impliquées et recevront des subventions correspondantes jusqu’en 2030. La chancelière a donc à cœur de ne pas voir la recherche « orientée par la politique ». Elle a cité pour exemple le Fonds allemand scientifique qui, en toute indépendance, expertise les résultats sur les plans économique et politique. Elle a affirmé trouver important que nos résultats de recherche soient traduits dans l’application pratique.
Saramaria Schreib, 4ème prix de la catégorie « monde du travail », a souhaité savoir ce qui est entrepris actuellement pour réduire la lourde charge qui pèse sur les médecins et les personnels hospitaliers, ainsi que pour contrer la pénurie de médecins en milieu rural. Et s’il existe notamment des projets destinés aux jeunes femmes médecins en vue de les aider à concilier vie professionnelle et familiale.
Selon Angela Merkel, les communes devraient réfléchir à l’éventuelle possibilité de proposer à nouveau des centres médicaux où les médecins se répartissent les postes afin de ne pas s’endetter pour un cabinet propre et de pouvoir aussi avoir des « horaires de travail prévisibles ». La télémédecine et le fait d’avoir un interlocuteur fixe sont particulièrement importants en milieu rural. Pour cela, il faut toutefois également aménager le réseau à haut débit.
Lukas Dellermann, 3ème prix de chimie, pense que les matières synthétiques peuvent permettre de réaliser de grandes choses, malgré le regard très critique que la société porte actuellement sur elles. Il souhaitait donc connaître l’estimation de la chancelière quant à leur avenir et savoir si le monde politique considère plutôt l’utilité du matériau ou une éventuelle problématique concernant les déchets.
Angela Merkel : Nous ne pourrons pas à l’avenir faire sans les matériaux, ni même sans les matières synthétiques. La question se pose cependant du type d’énergie auquel leur production doit recourir et de ce qui adviendra du CO2 en résultant. Le tout est de savoir à quel point l’économie circulaire est possible dans la production de matériaux. Le potentiel en la matière est très loin d’être exploité. À l’avenir, l’ensemble du cycle de vie sera de plus en plus pris en compte dans l’écobilan.
David Sauer, 3ème prix de biologie, est passionné de sciences et aimerait beaucoup travailler par la suite dans la recherche académique. Il pense cependant que le secteur souffre de conditions de travail dégradées, ainsi que de perspectives de carrière défavorables. Il s’est enquis auprès de la chancelière de savoir si elle voyait une perspective pour tout de même réaliser son souhait sans finalement « rester coincé éternellement dans des contrats de post-doctorant à durée déterminée et sous-payés ».
La chancelière fédérale lui conseille, dans le cas où son « statut » ne se serait pas amélioré après le 2ème contrat de post-doctorant, de réfléchir dès ses jeunes années aux avantages de bifurquer vers l’industrie ou le monde économique, ou de fonder sa propre structure. Le gouvernement fédéral a selon elle tenté de compenser cette « incertitude » par l’introduction du programme de suivi des titularisations dans les universités et les établissements de recherche non universitaires.
L’invitation de tous les lauréats nationaux ainsi que des autres récompensés (2ème à 5ème prix des sept catégories du concours) à une réception à la Chancellerie fédérale et la remise du « prix spécial pour le projet le plus original » (3 000 euros) font partie de la tradition du concours depuis 1981.