« Pouvoir vivre en paix et en démocratie »

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L’ancien ambassadeur Peter Hartmann au sujet du « traité deux-plus-quatre » « Pouvoir vivre en paix et en démocratie »

En tant qu’anciennes puissances occupantes, la France et le Royaume-Uni avaient au départ des réserves quant à la réunification de l’Allemagne. Le 12 septembre 1990, le « traité deux-plus-quatre » scellait néanmoins la fin de la division allemande. Helmut Kohl était alors chancelier de la République fédérale d’Allemagne et Peter Hartmann travaillait sous sa direction à la Chancellerie fédérale. Il nous parle des obstacles et des jalons importants sur la voie de l’unité allemande.

Temps de lecture: 5 min.

Peter Hartmann

Peter Hartmann était directeur général adjoint de la politique étrangère, de sécurité et de développement à la Chancellerie fédérale sous Helmut Kohl. Il a été par la suite ambassadeur au Royaume-Uni et en France.

Photo : Bundesregierung/Jesco Denzel

En qualité de directeur général adjoint à la Chancellerie fédérale, vous avez vécu cette période de très près. Comment en est-on venu en 1989 à engager des négociations avec les Alliés sur la réunification allemande ?

Peter Hartmann : Les bouleversements en Hongrie et en Pologne ont également influencé l’atmosphère en RDA. Mais ce sont les citoyens de RDA qui, avec leur révolution pacifique et leur appel à la réunification, ont aplani la voie et provoqué la chute du mur et l’ouverture de la frontière. Grâce à eux, la question allemande figurait à l’ordre du jour international à la fin de l’année 1989. Au niveau politique, on se devait d’agir. Cela ne concernait pas seulement les gouvernements des deux États allemands mais aussi, étant donné le statut particulier de l’Allemagne, les gouvernements américain, britannique, français et soviétique.

Le Royaume-Uni et la France avaient des réserves quant à la réunification de l’Allemagne. Pourtant, ils finirent par approuver le traité deux-plus-quatre. Pourquoi ?

Peter Hartmann : La voie des négociations était plus ardue que ce que nous imaginions. Dès décembre 1989, le gouvernement américain annonçait publiquement comment il concevait une réunification allemande. Les deux autres puissances occidentales – la France et le Royaume-Uni – émettaient de nettes réserves. Elles craignaient qu’une Allemagne réunifiée puisse changer à leurs dépens le rapport de forces en Europe. Margaret Thatcher, alors premier ministre britannique, alla même jusqu’à exiger du président soviétique Mikhaïl Gorbatchev qu’il renonce à la réunification de l’Allemagne.

Si la France et le Royaume-Uni ont finalement accepté de participer à des négociations, c’est sûrement en partie grâce à l’attitude ferme des États-Unis. Le gouvernement soviétique s’opposa lui aussi longtemps à cette idée. Il fallut attendre fin janvier 1990 avant que le président Gorbatchev donne son feu vert pour les négociations : Moscou avait également compris entre-temps que l’effondrement de la RDA était désormais inexorable.

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Video « Nous n’avions pas peur. Nous étions pleins de rêves, d’espoir et de courage. »

Vous avez assisté à certaines des négociations des « traités deux-plus-quatre ». Quelle était votre impression ?

Peter Hartmann : Dès le départ, il était clair que les questions particulièrement difficiles ne pourraient être décidées qu’au plus haut niveau politique et en dehors du cadre de négociation proprement dit. Cela s’appliquait avant tout à la question de l’appartenance de l’Allemagne unie à l’OTAN, question controversée jusqu’au dernier moment et qui a pu être réglée à la mi-juillet lors d’un entretien du chancelier fédéral Helmut Kohl et du ministre fédéral des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher avec le président Gorbatchev.

Pourquoi des négociations « deux-plus-quatre » ?

Peter Hartmann : Hans-Dietrich Genscher, qui était responsable des négociations pour la République fédérale, avait proposé cette formule « 2+4 » au cours d’entretiens préliminaires afin de bien marquer le fait que les deux États allemands n’étaient pas sous la tutelle des Quatre Puissances. Après quelques hésitations, il parvint à faire admettre sa proposition en marge d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN et du Pacte de Varsovie à Ottawa en février 1990.

Quand vous repensez à la situation à cette époque, quel est selon vous le moment le plus chargé d’émotion dans ce long processus de la réunification ?

Peter Hartmann : Pour toutes les parties prenantes, y compris pour moi bien sûr, ce fut effectivement un moment très fort lorsque les ministres des Affaires étrangères des six pays participants ont apposé leur signature le 12 septembre 1990, à Moscou, au bas du traité « portant règlement définitif concernant l’Allemagne », son titre officiel. La cérémonie qui s’est déroulée le 3 octobre 1990 à Berlin à l’occasion de la Journée de l’Unité allemande, cérémonie à laquelle j’assistais moi aussi, a marqué l’aboutissement de ce processus.

Le chancelier fédéral Helmut Kohl et le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev

15 juillet 1990 : Lors d’une réunion dans le Caucase, le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev (au milieu) donne son accord au chancelier fédéral Helmut Kohl (à dr.) et au ministre fédéral des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher sur l’appartenance de l’Allemagne à l’OTAN après la réunification

Photo : Bundesregierung/Pfeil

Après son élection à la tête de l’Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev entreprit une vaste politique de réformes connue sous le nom de « Glasnost » (transparence) et « Perestroïka » (restructuration). Ces réformes visaient à ouvrir aux pays du bloc oriental « leur propre voie vers le socialisme ». Les dirigeants de RDA se montrèrent réticents. Le processus déboucha finalement sur l’effondrement de la RDA en 1989 à la suite des manifestations de masse soutenues. En 1990, le traité 2+4 scellait la réunification allemande. Les Quatre Puissances renonçaient à leurs « droits et responsabilités relatifs à Berlin et à l’Allemagne dans son ensemble ». La chute du Mur posa la première pierre de l’élargissement de l’Union européenne à l’est, qui permit à la majeure partie des pays de l’ancien bloc oriental d’adhérer à l’Union entre 2004 et 2007.

Le « traité deux-plus-quatre » constituait une étape importante dans l’histoire allemande. Quelle importance a-t-il eu pour l’évolution de l’Europe ?

Peter Hartmann : Dans ma fonction de secrétaire d’État, de 1995 à 1998, je me suis intéressé de près à l’évolution de la situation en Europe centrale et orientale. Le rapprochement de ces pays avec l’Union européenne était et reste selon moi une grande réussite pour toute l’Europe. Sans la réunification allemande, tout cela aurait été inconcevable.

Car en fait, il ne s’agissait pas uniquement de permettre aux Allemands de l’Est, mais à tous les Européens, de vivre en paix et en démocratie.

Au cours de votre carrière diplomatique, vous avez été ambassadeur aussi bien au Royaume-Uni qu’en France. Avez-vous constaté par la suite des différences d’attitude en ce qui concernait la réunification ?

Peter Hartmann : Lorsque j’étais en poste comme ambassadeur à Londres et à Paris, les craintes de voir l’Allemagne réunifiée jouer un rôle trop dominant en Europe, comme celles émises au début, avaient pour ainsi dire disparu. Néanmoins, déjà pendant la période où j’étais à Londres, le « trop d’Europe » a commencé à susciter de plus en plus de critiques. C’était tout à fait autre chose à Paris où on sentait qu’il régnait entre les deux pays une grande entente sur les questions européennes fondamentales.