Discours prononcé par la Chancelière fédérale, Madame Angela Merkel, à l’occasion de la conférence annuelle du réseau européen du développement durable (European Sustainable Development Network, ESDN) le 13 octobre 2020

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Discours prononcé par la Chancelière fédérale, Madame Angela Merkel, à l’occasion de la conférence annuelle du réseau européen du développement durable (European Sustainable Development Network, ESDN) le 13 octobre 2020

Le mardi 13 octobre 2020 à Berlin

Chère Annika Lindblom,

Mesdames, Messieurs,

Les défis auxquels nous faisons face au plan national comme international sont tout à fait particuliers. La lutte commune contre la pandémie de Covid-19 et ses multiples conséquences occupe désormais une place centrale. En Europe, la Covid-19 a déjà coûté la vie à plus de 200 000 personnes. L’économie se trouve dans une situation extrêmement difficile. De nombreux emplois ont disparu. Et la pandémie va marquer notre vie et notre travail pendant une durée encore indéterminée. Nous le voyons, notamment ces jours-ci, dans presque tous les pays européens. Mais nous ne saurions perdre de vue les autres sujets importants, et nous ne le ferons pas. À cet égard, le développement durable au sens large et la protection du climat et de l’environnement en particulier restent les principales missions de notre temps.

En septembre, l’an dernier, les chefs d'État et de gouvernement se sont rencontrés à New York pour le Sommet sur les objectifs de développement durable. Il nous a fallu dresser un bilan intermédiaire critique après quatre années de programme à l’horizon 2030. Ce bilan, largement négatif même si pas entièrement, reste malheureusement d’actualité. En matière de protection du climat, de biodiversité ou encore d’inégalités sociales, la situation s’est même détériorée depuis l’adoption du programme 2030. Pour accélérer sa réalisation, les Nations Unies ont lancé une « décennie d’action ». Je la soutiens pleinement. La pandémie de coronavirus a accentué la pression pour agir, que ce soit dans la lutte contre la pauvreté et pour la sécurité alimentaire, pour l’éducation ou naturellement pour la santé. Seule une grande œuvre collective permettra d’obtenir des progrès sur toutes ces questions. C’est pourquoi je remercie le réseau européen du développement durable et le ministère fédéral de l’Environnement d’organiser cette conférence. Merci également à tous et toutes d’y prendre part.

Comment avancer en Europe sur la voie d’un continent durable et neutre pour le climat ? Le pacte vert est l’une des réponses. Il nous indique le chemin vers la neutralité climatique et davantage de développement durable sans pour autant, ce que je trouve très important, entamer notre capacité d’innovation et notre compétitivité. Au contraire, le pacte vert européen unit la nécessité écologique et la performance économique. De toute manière, la protection des fondements naturels de la vie est une condition nécessaire des réussites économiques. C’est certes logique, mais cela doit s’installer bien davantage dans nos consciences et se répercuter ensuite réellement dans notre quotidien.

Nous autres Européens avons un rôle de pionnier à jouer à ce titre. Il nous faut amener la preuve pratique que la croissance économique peut être dissociée des émissions et de la consommation des ressources. Nous devons apprendre des erreurs du passé. Cela signifie que les pays industrialisés européens ont aussi un rôle à jouer dans le transfert d’innovation et de technologie, qu’ils doivent faire pour ainsi dire une avance. C’est une forme de coopération au développement qui correspond à une responsabilité vis-à-vis des pays moins industrialisés. Car ce sont précisément ces pays-là qui souffrent du dérèglement climatique, littéralement attisé, en premier lieu, par les pays industrialisés. Bien entendu, nous ne portons pas, en tant qu’Européens, la seule responsabilité de la protection du climat. Mais notre manière d’assumer notre responsabilité est scrupuleusement observée partout dans le monde. De notre exemple dépend donc largement l’engagement d’autres pays à faire avancer eux aussi les solutions favorisant une croissance neutre pour le climat.

Ce défi n’est certes pas devenu plus simple en temps de pandémie. Nous devons lutter pour endiguer le virus et surmonter ses conséquences économiques et sociales. Mais, comme nous le savons, chaque crise recèle une opportunité. Cette crise-là aussi. Car sous l’aspect de la résilience générale aux crises, c’est-à-dire de notre capacité de résistance, elle peut affuter notre regard sur la nécessité d’un développement plus durable. Il ne s’agit pas uniquement de retrouver aussi vite que possible le niveau d’avant la crise, mais bien d’en ressortir plus durablement et donc plus solidement, et d’être ainsi mieux préparés aux futures crises. Gérer la crise à court terme et investir dans l’avenir pour le long terme, ces deux aspects doivent être pensés et réalisés ensemble.

C’est pourquoi, à titre d’exemples, la souveraineté numérique, la compétitivité de l’Europe et une politique d’innovation favorable au climat sont des priorités de la présidence allemande du Conseil de l’Union européenne. L’Allemagne soutient la proposition de la Commission de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % par rapport à 1990 d’ici la fin de la décennie. C’est un objectif très ambitieux. Mais le pacte vert constitue pour ainsi dire une boussole pour se diriger vers une économie sobre en carbone et justement, pour cette raison, compétitive. Devant nous se dessine la voie d’une transformation réellement globale, qui concerne à égalité la protection du climat, l’économie circulaire, la biodiversité, l’agriculture durable, la mobilité durable et les autres sujets.

Ne le sous-estimons pas : une transformation de cette ampleur requiert des adaptations structurelles profondes dans les économies nationales. Quelles que soient les opportunités qui s’ouvrent avec ce changement, celui-ci peut aussi être douloureux, entraînant par exemple la perte d’emplois dans certains secteurs. Je crois savoir ce dont je parle ici. En Allemagne, le grand développement des énergies renouvelables s’accompagne par exemple de nouvelles perspectives d’emploi dans ce domaine, mais nous voulons aussi sortir du charbon d’ici à 2038 au plus tard. C’est un tour de force de créer des solutions de rechange lorsque des emplois ou des sources de revenus disparaissent. En pareil cas, les régions et les personnes touchées ne doivent en aucun cas être abandonnées à leur sort ; nous y veillons.

En Allemagne ou ailleurs, atténuer les difficultés économiques et sociales d’une restructuration favorable au climat est un défi que nous devons surmonter. Sans quoi on fera peser une menace sur les progrès du développement durable, qui ne peuvent s’accomplir qu’avec un vaste soutien de la société. C’est à mon avis une question essentielle, voire la question centrale pour le développement durable : comment résoudre ou tempérer les conflits d’objectifs, autrement dit comment concevoir les processus de transformation sans laisser personne derrière ? « Ne laisser personne de côté » : nous nous y sommes engagés dans le programme 2030. Le pacte vert pour l’Europe souscrit à ce principe directeur. Il exprime l’ambition de rendre la transition équitable et inclusive pour tous. C’est crucial pour le succès du développement durable « Made in Europe ». C’est crucial pour la cohésion interne de nos sociétés et pour la solidarité entre nos pays.

Quelle que soit l’importance du pacte vert pour l'Europe, nous avons aussi besoin de fixer une approche européenne du programme 2030, dans toute sa gamme thématique. C’est pourquoi je me réjouis que la Commission européenne ait annoncé une stratégie de réalisation globale du programme 2030. J’ai hâte de prendre connaissance de ces propositions, en particulier pour celles qui ne concernent pas directement le pacte vert. La stratégie doit ensuite être liée à des rapports de suivi réguliers de la Commission, afin de mieux déterminer les secteurs du développement durable dans lesquels nous aurons besoin de mesures supplémentaires.


Par ailleurs, je ne peux que me féliciter que les politiques européennes tiennent davantage compte, à l’avenir, de la Prospective stratégique. C’est un élément de plus pour renforcer la capacité de l’UE à aborder l'avenir. Car on ne peut pas exclure que surviennent des crises qui nous fassent grandement reculer dans nos objectifs de développement durable, si nous n’y sommes pas suffisamment préparés.

Le développement durable doit avancer à tous les niveaux. En Allemagne, nous nous orientons à l’aide d’une stratégie en matière de durabilité, que nous avons lancée il y a 18 ans et que nous continuons à ajuster en permanence. Depuis 2016, cette stratégie fixe notre cadre de réalisation du programme 2030 en Allemagne. Pour chaque objectif de développement durable, nous définissons exactement ce que nous voulons réaliser et dans quel délai. Nous évaluons régulièrement notre état d’avancement pour pouvoir rectifier le tir à temps, si besoin. Pour continuer à développer notre stratégie, nous misons sur une large participation d’acteurs économiques, scientifiques et sociaux. Très récemment encore, j’ai invité le grand public à prendre position sur le nouveau projet de stratégie en Allemagne.

Il y a tant de bonnes idées qui méritent d’être prises en compte. Nous le constatons aussi lors de la semaine européenne du développement durable, organisée chaque année par le réseau européen du développement durable. Près de 4 000 actions ont eu lieu dans 25 pays cette année encore, malgré la pandémie de Covid-19 : cela montre bien que le développement durable n’est pas un sujet de discussion par beau temps, mais bien un thème qui tient à cœur à beaucoup de personnes. Je trouve cela très encourageant. Car le développement durable ne se décrète pas. Bien plutôt, chacune et chacun d’entre nous est appelé à intérioriser le principe de durabilité. Le développement durable doit devenir une évidence de notre vie quotidienne, pour que l’on puisse sincèrement se demander : notre consommation est-elle durable ? Et notre production ? Nos modes de construction ? Notre mobilité ?

Le réseau européen du développement durable contribue grandement à ancrer l’idée de durabilité dans l’opinion publique et à diffuser les bonnes idées d’action et de gouvernance durables. Le développement durable ne peut effectivement réussir que s’il est un projet commun. Nous en portons aujourd’hui la responsabilité. Le monde de demain et le jugement des générations futures sont entre nos mains dès aujourd’hui. C’est pourquoi nous ne devons pas cesser de nous encourager, de nous informer, de nous inspirer et aussi de nous critiquer mutuellement, dans la perspective d’un mode de vie et de travail durable.

Le pacte vert pour l’Europe constitue une base importante pour faire avancer l’œuvre commune du développement durable en Europe. Sur le chemin, nous devrons régulièrement résoudre des conflits d’objectifs. Il nous faudra régulièrement trouver des solutions praticables et acceptables. C’est justement ce qui rend le réseau du développement durable si précieux. Vous tous, qui nous faites profiter de vos connaissances et de votre expérience, vous aidez à donner vie à cette idée de développement durable en Europe. Dans cet esprit, je vous souhaite plein succès pour cette conférence et vous remercie vivement de votre engagement.

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