Discours du Chancelier de la République fédérale d’Allemagne Olaf Scholz à l’occasion de la remise du Prix Charlemagne à M. Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine, et au peuple ukrainien Dimanche 14 mai 2023, 16h56, Aix-la-Chapelle

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French translation Discours du Chancelier de la République fédérale d’Allemagne Olaf Scholz à l’occasion de la remise du Prix Charlemagne à M. Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine, et au peuple ukrainien Dimanche 14 mai 2023, 16h56, Aix-la-Chapelle

Sunday, 14 May 2023

Chères citoyennes et chers citoyens d’Ukraine,
Monsieur le Président, cher Volodymyr,
Madame la Maire d’Aix-la-Chapelle Sibylle Keupen,
Monsieur le Président Linden, cher Jürgen,
Madame la Présidente de la Commission, chère Ursula,
Monsieur le Premier Ministre, cher Mateusz,
Mesdames et Messieurs,


« Prezydent tut. Vsi my tut. » Ce sont les mots, Monsieur le Président, cher Volodymyr, que tu as adressés au peuple ukrainien dans l’un de tes premiers messages vidéo après l’attaque de la Russie : « Le président est ici. Nous tous sommes ici. » C’était à l’aube du 25 février 2022. Tu étais avec tes plus proches compagnons, en plein centre de Kiev, et tu as ajouté : « Nous défendons tous notre indépendance, et c’est exactement ce que nous allons continuer à faire. » 

Rarement dans l’histoire, un message aussi bref a produit un si grand effet. À l’instant même, il ne subsistait plus aucun doute : le peuple ukrainien ne pliera pas devant la violence de la Russie. Le peuple ukrainien résistera. Et c’est grâce à cela uniquement que nous pouvons être réunis en ce jour, ici, à Aix-la-Chapelle. L’Europe a une très grande dette envers le peuple ukrainien, et tout particulièrement envers le président Volodymyr Zelensky.

Lorsque les créateurs du Prix Charlemagne eurent l’idée de ce prix européen, en 1950, une grande partie de l’Allemagne et de l’Europe était encore en ruines. Les horreurs de deux Guerres mondiales, le crime contre l’humanité que constituait la Shoah, des crises profondes, la détresse et la faim : tout cela était encore tout proche. Une Europe unie dans la paix et dans la liberté semblait une vision lointaine. Et pourtant, le rêve de celles et ceux qui ont conçu le Prix Charlemagne a pris forme, d’année en année, chaque fois un peu plus.

On retrouve dans la liste des lauréates et lauréats du prix tous les noms qui comptent de l’intégration européenne, depuis Jean Monnet, Konrad Adenauer, Robert Schuman et Simone Veil jusqu’à Václav Havel et Bronisław Geremek. Des hommes et des femmes qui ont porté de l’avant avec courage et clairvoyance ce qui apparaissait de plus en plus comme une évidence pour nous, les plus jeunes : la construction pacifique de l’Europe, la seule à même de rendre possibles la prospérité et le bien-être de nos peuples.

Aujourd’hui, cependant, une guerre d’agression cruelle fait rage à nouveau, c’est la guerre d’agression cruelle de la Russie : une guerre qui inflige aux citoyennes et citoyens d’Ukraine souffrances, détresse et sacrifices, dans des proportions que nous n’arrivions même plus à imaginer, une guerre qui est dirigée contre tout ce que l’Europe représente aujourd’hui ; mais aussi une guerre qui, pour l’Ukraine, pour l’Union européenne et pour ses États membres, nous amène à ce constat limpide : nous sommes unis. Nous formons un tout. Et notre histoire sera une histoire commune.

C’est la toute première fois, cette année, que le Prix Charlemagne est décerné à un président et à son peuple. Cette décision est à mon avis extrêmement pertinente, car le peuple ukrainien et toi, cher Volodymyr, accomplissez ensemble, depuis le 24 février 2022, quelque chose d’incommensurable.

Vous défendez avec un courage immense votre pays contre l’agression brutale de la Russie. Jour après jour, toutes et tous défient avec une force incroyable l’envahisseur russe. La guerre d’agression de la Russie a rapproché l’Union européenne et l’Ukraine comme jamais auparavant. Nous sommes unis et solidaires aux côtés de l’Ukraine. 

L’Allemagne a accueilli sur son sol plus d’un million de citoyennes et citoyens ukrainiens. La Pologne en a même accueilli temporairement 1,5 million, et la Tchéquie, plus de 500 000. Le nombre de jumelages entre villes allemandes et ukrainiennes a été multiplié par deux pendant la guerre et on en compte aujourd’hui plus de 140. Dans toute l’Europe, la guerre a renforcé une conviction évidente : l’Ukraine fait partie de notre famille européenne. 

C’est ce que le président de la République française Emmanuel Macron, l’ancien président du Conseil italien Mario Draghi, le président de Roumanie Klaus Johannis et moi-même avons souligné ensemble à Kiev, il y a un an, et c’est la conviction derrière laquelle nous nous rangeons tous. Les Russes et les Ukrainiens ne sont justement pas « un peuple », comme le président Poutine le prétend dans son aveuglement impérialiste et colonialiste. La nation ukrainienne a une longue histoire qui lui est propre, elle a sa propre culture, d’une diversité incroyable, ses propres traditions, sa propre identité.

Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, l’Ukraine indépendante revendique sa liberté de décider elle-même de sa propre voie. L’Ukraine a pris sa décision, et elle a choisi l’Europe.

Cher Volodymyr Zelensky, l’Ukraine a tout notre soutien sur la voie qui la mène à l’Union européenne. En tant qu’Européennes et Européens, nous savons la force dont est capable la volonté de démocratie du peuple. Je pense à Solidarność en Pologne, cher Mateusz Morawiecki. Je pense à l’ouverture du mur de Berlin en 1989, que des citoyennes et citoyens courageux de la RDA ont imposée ; je pense à l’unification de l’Allemagne et de l’Europe dans les années qui ont suivi. Et je pense bien sûr à la révolution orange qu’a connue l’Ukraine en 2004 et aux nuits d’hiver du mouvement Euromaïdan, entre fin 2013 et début 2014. Lors de cette « révolution de la dignité », le jaune et bleu du drapeau ukrainien et le jaune et bleu du drapeau étoilé de l’UE devinrent des symboles de la liberté, de la démocratie et de l’autodétermination de l’Ukraine.

Tous ces mouvements venus du peuple expriment la volonté puissante des citoyennes et des citoyens de façonner eux-mêmes leur avenir. La guerre d’agression de la Russie n’a pas seulement renforcé la détermination de l’Ukraine en tant que nation politique. Elle a rendu irréversible la décision des Ukrainiennes et des Ukrainiens d’être une nation démocratique européenne.

Si Vladimir Poutine a cru pouvoir détourner par la violence la nation ukrainienne de son chemin vers l’Europe, c’est l’exact contraire qu’il a obtenu avec tous ses blindés, ses drones et ses lanceurs de missiles.

L’Union européenne représente le vivre-ensemble en paix des peuples d’Europe, la communauté politique et économique de ses États membres, la beauté de la diversité culturelle et linguistique.

L’Union européenne symbolise la liberté et la démocratie, l’état de droit et la protection des droits humains, mais aussi, singulièrement, la réconciliation pacifique entre ennemis du passé. En particulier en ma qualité de chancelier allemand, j’en suis très conscient. Et c’est ce qui fait de nous des Européennes et des Européens. C’est pour cela que nous devons veiller, chaque jour, à protéger et à préserver les valeurs de liberté, de démocratie et d’état de droit, y compris à l’intérieur de l’UE.

Cette aspiration à la démocratie, à la liberté, à l’état de droit et à l’Europe, le peuple ukrainien la partage aussi, cher Volodymyr. « Sluha narodu », « Serviteur du peuple » : c’est en invoquant ce titre pour toi-même que tu es devenu président de l’Ukraine.   C’est précisément ce que tu es aujourd’hui, au moment de recevoir le Prix Charlemagne au nom du peuple ukrainien.

La volonté de liberté et la résilience en cette période sombre sont une source d’espoir et d’inspiration, bien au-delà de l’Ukraine. À la tête du peuple ukrainien tout entier, tu défends les valeurs que l’Europe symbolise. L’Ukraine peut compter à cet égard sur notre plein soutien, sur le plan humanitaire, économique et militaire, et surtout : de manière durable.

Le peuple luxembourgeois fut le premier, en 1986, à se voir décerner le Prix Charlemagne. La médaille portait l’inscription suivante : « Au peuple du Luxembourg, exemple et persévérance sur la voie de l’unification européenne ». Cette phrase s’applique aujourd’hui exactement de la même façon au peuple d’Ukraine. La remise du Prix Charlemagne aujourd’hui ne marque donc pas un aboutissement, mais un nouveau commencement : celui de notre cohésion à venir en Europe, avec l’Ukraine, avec les pays des Balkans occidentaux, avec la République de Moldova et, à terme, avec la Géorgie également. Au regard du tournant historique que la Russie a provoqué avec sa guerre d’agression, notre message est sans équivoque : l’Europe est solidaire et unie.

En tant que prix citoyen européen, le Prix Charlemagne traduit l’hommage profond rendu par nos sociétés libres devant la bravoure et la détermination du peuple ukrainien et de son président.

Ukraina tut. A Ukraina   tse Yevropa.   L’Ukraine est ici. Et l’Ukraine est l’Europe.

Chaleureuses félicitations et Slava Ukraini !

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